À la COP30, Mission inclusion a mis de l’avant une réalité que les négociations climatiques peinent à reconnaître : les changements climatiques et les violences basées sur le genre (VBG) sont inextricablement liés. Tant qu’on ne nomme pas ce lien, on ne peut pas y faire face.

Du 10 au 21 novembre, Mission inclusion était à Belém, au Brésil, pour la 30e Conférence des Parties sur les changements climatiques.

Notre délégation a rassemblé l’équipe de Mission inclusion (Andréanne Martel, Nathalie Pedro, Perpetua Angima), nos collègues de l’UICN (Vatosoa Rakotondrazafy, Loubna Hamidi), et des représentantes et représentants d’organisations partenaires dans les cinq paysages marins de ReSea : Sariaka Harilala Rakotonaivo (CforC, Madagascar), Rafa Valente Machava (Muleide, Mozambique), Carol Mango (Women Fund Tanzania-Trust), Mohamed Cheik Mohamed (PFDDSA, Comores) et Happy Mwinyi Ngema (GROOTS Kenya).

Ces personnes sont venues exiger que les décideurs et décideuses climatiques reconnaissent une réalité que leurs communautés vivent quotidiennement :

La crise climatique n’est pas neutre en matière de genre.

Quand une sécheresse frappe, ce n’est pas seulement une question d’accès à l’eau. Elle expose et intensifie les inégalités genrées préexistantes.

Une femme doit marcher trois heures de plus pour puiser, s’exposant aux agressions : c’est un contrôle de sa mobilité. Dans les contextes d’incertitude économique, les violences basées sur le genre s’intensifient : les dynamiques de contrôle genré, les agressions sexuelles, les mariages forcés se manifestent avec plus d’acuité. Une adolescente est mariée de force : le stress économique est instrumentalisé pour intensifier le contrôle familial.

Ce ne sont pas les femmes qui deviennent vulnérables face à la crise : c’est l’inégalité genrée qui se manifeste avec plus d’urgence.

Les chocs climatiques exacerbent les VBG. Ces violences constituent des barrières structurelles qui empêchent les femmes de participer aux décisions climatiques et de mener les solutions dont leurs communautés ont besoin.

Ces barrières exigent une réponse urgente. Et cette semaine nous offre une occasion de nommer ce lien explicitement.

Pourquoi maintenant : les 16 jours d’activisme

Cette semaine marque le début des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre (25 novembre au 10 décembre).

Les communautés le savent déjà : l’action climatique juste exige de reconnaître que les inégalités genrées sont une barrière à l’inclusion climatique.

Les femmes confrontées à des violences basées sur le genre ne peuvent pas participer aux décisions climatiques, accéder équitablement aux bénéfices de la transition, et ne peuvent pas mener l’action climatique équitable dont elles sont expertes. Ce lien entre VBG et capacité climatique exige une réponse politique explicite.

Pour comprendre comment les VBG entravent chacune de ces dimensions, définissons d’abord ce que nous entendons par inclusion climatique.

Que signifie l’inclusion climatique?

Mission inclusion porte un cadre d’inclusion climatique qui repose sur quatre piliers indissociables : 

Accès aux bénéfices de la transition : Le financement climatique, les technologies, les opportunités d’économie verte et bleue, et le renforcement des capacités doivent atteindre les communautés qui mènent l’action climatique sur le terrain.

Participation active aux décisions : La gouvernance climatique doit inclure la participation significative des communautés locales, des peuples autochtones, des femmes, des jeunes, des personnes marginalisées et déplacées, et des personnes en situation de handicap dans tous les processus décisionnels.

Équité dans l’action climatique : Les personnes et communautés les plus touchées par les changements climatiques doivent être au centre des solutions, non comme bénéficiaires passifs mais comme actrices qui façonnent les interventions.

Justice sociale dans la transition : Les mesures climatiques ne doivent pas pénaliser de manière disproportionnée les ménages à faible revenu ou les communautés marginalisées. La justice exige des mécanismes de reddition de comptes qui suivent qui bénéficie des ressources et des opportunités de la transition, et qui en supporte les coûts. 

Ces quatre dimensions sont indissociables. L’équité sans participation est du tokenisme. L’accès aux bénéfices sans justice sociale perpétue l’extraction. L’inclusion significative exige de transformer les structures de pouvoir, pas seulement d’élargir les sièges aux tables existantes.

La sécurité des femmes en est la condition première.

Examinons maintenant comment les VBG minent concrètement chacun de ces quatre piliers.

Les VBG : une barrière structurelle à l’action climatique

Les femmes leaders climatiques font face à un obstacle que les politiques climatiques peinent à nommer : les VBG exacerbées par la crise climatique. Ces violences ne sont pas causées par le stress économique, mais découlent des inégalités genrées structurelles qui s’intensifient dans les contextes de crise.

Comprendre les droits des femmes en contexte climatique, c’est reconnaitre que ces violences constituent une barrière directe à l’action climatique juste.

Quand une femme subit des violences basées sur le genre exacerbées par le stress climatique, quand sa mobilité est restreinte par l’insécurité, quand elle doit consacrer plus de temps à des tâches de soin non rémunérées parce que les infrastructures s’effondrent, elle ne peut pas exercer son leadership climatique. 

On ne peut pas atteindre nos objectifs climatiques si les femmes ne sont pas en sécurité.

C’est cette analyse que Mission inclusion et ses partenaires ont portée directement dans les négociations climatiques à Belém.

Ce que nous avons demandé à Belém

À Belém, Mission inclusion a articulé ce lien explicitement dans son plaidoyer :

Reconnaître les violences basées sur le genre comme barrière à l’action climatique :

Intégrer l’analyse de genre intersectionnelle dans toutes les politiques climatiques. Cela signifie suivre non seulement combien de femmes participent, mais aussi si elles sont en sécurité, si elles ont des ressources, si elles ont le pouvoir de prendre des décisions contraignantes.

Protéger les défenseures des droits environnementaux

Les femmes qui apportent des solutions climatiques sont criminalisées, menacées, tuées. Établir des mécanismes de protection et du financement dédié pour assurer leur sécurité.

Financer les solutions menées par les femmes, directement

Moins de 1% de l’aide internationale atteint les organisations de femmes. Seulement 0,04% du financement climatique mondial cible explicitement l’égalité de genre. Cette exclusion financière est une forme de violence structurelle. Les fonds doivent parvenir directement aux organisations féminines locales, avec des mécanismes d’accès simplifiés et un financement pluriannuel flexible

Rémunérer le travail de soin et de gestion écologique

Quand les femmes restaurent des mangroves, cultivent des semences indigènes, ou gèrent les ressources marines de manière durable, elles accomplissent un travail qualifié essentiel à la survie collective. Ce travail mérite reconnaissance, compensation et pouvoir décisionnel.

Ces demandes s’ajoutent à celles portées par de nombreux acteurs de la société civile à Belém. La COP30 a abouti à un résultat en demi-teinte.

Ce que la COP30 a donné

La COP30 a adopté le Plan d’action de Belém sur l’égalité des genres (Belém Gender Action Plan, ou Belém GAP). Adopté in extremis malgré de fortes tensions, ce plan représente à la fois une victoire et un avertissement.

Une victoire : Le Belém GAP vise à garantir l’accès équitable aux protections climatiques, la participation des femmes aux décisions, et l’accès au financement, à la formation et aux opportunités générées par la transition écologique. C’est un gain significatif pour l’égalité de genre dans l’action climatique.

Un avertissement : Les débats ont révélé la fragilité de ces acquis. Face aux tensions géopolitiques, le langage sur les droits humains, la santé et les droits sexuels et reproductifs, ainsi que la diversité de genre, a été exclu. Malgré cette limitation, le Plan met en lumière les discriminations systémiques et les impacts disproportionnés des changements climatiques sur les femmes autochtones, afrodescendantes, en situation de handicap, et les défenseures de l’environnement.

L’égalité de genre reste une condition à une action climatique juste.

On ne peut pas atteindre nos objectifs climatiques si les femmes ne sont pas en sécurité.

Au-delà du plaidoyer international, Mission inclusion traduit ces principes en action concrète sur le terrain. Nos projets en Afrique de l’Ouest et dans l’océan Indien démontrent comment l’autonomisation économique des femmes soutient leur leadership climatique.

Renforcer la résilience en Afrique de l’Ouest : ABC2 et RCIM

Soutenus par le gouvernement du Québec dans le cadre du Programme de coopération climatique internationale (Plan pour une économie verte 2030), deux projets en Afrique de l’Ouest renforcent simultanément l’action climatique et l’autonomie économique des femmes.

Au Burkina Faso, le projet ABC2 renforce la résilience climatique en soutenant l’agroécologie et l’accès à l’énergie propre, en priorité auprès des femmes, des populations vulnérables, et des personnes déplacées internes.

Au Tchad, le projet RCIM soutient les femmes agricultrices dans l’agroécologie et le développement de leadership féministe adaptés au contexte climatique local.

Ces deux projets renforcent simultanément l’action climatique et la biodiversité en soutenant le leadership économique des femmes locales.

Ces projets reconnaissent que l’autonomisation économique des femmes soutient leur capacité à exercer leur sécurité et leur leadership climatique. En renforçant les moyens de subsistance, les femmes disposent des ressources pour prendre des décisions, participer aux institutions locales, et mener les solutions climatiques dont leurs communautés ont besoin.

Trois agricultrices récoltant quelque chose dans le champ.

Les femmes et les jeunes au cœur des solutions : ReSea dans l’océan Indien

À travers le projet ReSea, Mission inclusion accompagne depuis 2023 le leadership climatique des femmes et des jeunes dans l’océan Indien occidental, en partenariat avec l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), et avec le soutien du gouvernement du Canada. Le projet soutient la conservation communautaire et le développement d’économies bleues régénératrices dans cinq paysages marins du Kenya, de la Tanzanie, du Mozambique, de Madagascar et des Comores.

518 femmes formées en gouvernance marine, accompagnées de 8 210 bénéficiaires directs supplémentaires, restaurent les écosystèmes, cultivent les semences résistantes à la sécheresse, gèrent les ressources marines durablement et transmettent les connaissances écologiques intergénérationnelles.

Parmi ces actions : la restauration des forêts de mangroves qui séquestrent le carbone, protègent les côtes contre les tempêtes, et reconstituent les stocks de poissons.

 

Amkeni : le documentaire

Des femmes comme Eunice Kirimo incarnent ce leadership. À Kilifi, au Kenya, Eunice dirige le Chambuko Amkeni Conservation Group. Avec son groupe, elle crée des activités génératrices de revenus (apiculture, écotourisme) qui renforcent l’autonomie économique des femmes de sa communauté.

Amkeni est un documentaire de Mission inclusion produit par BBC StoryWorks, faisant partie de la série Living Legacy.

 

Que peut-on faire ?

Décideurs et bailleurs : traduire les engagements en action

Révisez vos critères d’évaluation. Vos appels à projets mesurent-ils la sécurité des participantes, pas seulement leur nombre?

Simplifiez l’accès au financement. Les organisations des droits des femmes locales locales n’ont pas les ressources pour des demandes de 50 pages. Réduisez les barrières administratives.

Journalistes et communicateurs : changer le récit

Posez la question systématiquement. À chaque reportage climatique, demandez : quel est l’impact sur la sécurité des femmes?

Refusez le cloisonnement. Quand on vous dit « c’est un enjeu social, pas climatique », insistez : c’est les deux

Toutes et tous : amplifier et exiger

Partagez le documentaire Amkeni. Regardez-le, partagez-le.

Interpellez vos élus. Le Canada et le Québec financent des projets climatiques. Demandez-leur d’augmenter leurs ambitions.

Soutenez les organisations œuvrant pour l’inclusion climatique comme
Mission inclusion.

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