J’ai eu le plaisir de participer au séminaire réflexif sur l’approche agroécologique et les crises, organisé par le réseau Minka international à Bruxelles le 6 février 2025 pour son cinquième anniversaire. En tant que directrice principale de la programmation internationale chez Mission inclusion, je souhaite partager mes réflexions sur le potentiel transformateur de l’agroécologie comme réponse aux défis actuels.
Qui sont les plus touchés par les crises alimentaires?
Dans notre travail, nous constatons que les changements climatiques et les conflits armés, qui sont à l’origine de la plupart des crises alimentaires à travers le monde, affectent de manière disproportionnée certaines populations. Les membres des communautés rurales à faible revenu, le personnel des petites exploitations agricoles, les personnes déplacées et réfugiées sont particulièrement vulnérables. Cette vulnérabilité n’est pas le fruit du hasard : elle découle des inégalités structurelles qui limitent leur accès aux ressources et aux opportunités.
Selon les projections actuelles, le changement climatique pourrait précipiter 101 millions de personnes dans l’insécurité alimentaire d’ici 2030, avec un impact disproportionné sur les femmes. La situation est déjà alarmante : le Programme Alimentaire Mondial (PAM) rapporte que plus de 900 000 personnes vivent aujourd’hui dans des conditions proches de la famine, soit dix fois plus qu’en 2017.
Comment les principes de l’agroécologie peuvent-ils renforcer la résilience des communautés?
Nous observons que les principes de l’agroécologie offrent des solutions concrètes et accessibles pour renforcer la résilience des communautés. Elle propose des techniques qui permettent de maintenir les cultures même dans des conditions difficiles, sans nécessiter d’investissements majeurs ou de technologies avancées. La collecte d’eau de pluie et l’irrigation goutte-à-goutte, par exemple, sont des pratiques qui aident à préserver la fertilité des sols tout en étant économiquement accessibles.
Le rôle crucial des femmes dans la transition agroécologique
Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, l’agriculture constitue le principal secteur d’emploi pour les femmes. Pourtant, elles font face à des obstacles significatifs : elles cultivent généralement des terres plus petites et moins fertiles, avec des ressources plus limitées, ou n’ont tout simplement pas accès à la terre.
Chez Mission inclusion, nous avons pu observer sur le terrain l’impact positif de l’autonomisation des femmes à travers l’agroécologie. Au Burkina Faso, par exemple, nous avons mené un projet en collaboration avec nos partenaires locaux de 2020 à 2023 qui a permis d’accompagner des femmes et des personnes déplacées dans l’application de pratiques agroécologiques. Les résultats sont probants : les participantes ont réussi à améliorer la productivité de leurs champs et même à récupérer des terres considérées comme très pauvres.
Vers une approche inclusive de l’agroécologie
Pour maximiser son impact, nous devons mettre en œuvre l’agroécologie de manière inclusive. Cela implique plusieurs éléments clés :
• Assurer un accès équitable aux ressources, notamment par des systèmes de gestion communautaire des terres
• Reconnaître et intégrer les savoirs locaux et traditionnels, souvent portés par les femmes et les peuples autochtones.
• Encourager la participation des populations vulnérables dans les processus de prise de décision
• Offrir de la formation à toutes et à tous en techniques agroécologiques pour améliorer les rendements
Il est particulièrement préoccupant de constater que seulement 2,4 % de l’aide publique au développement liée au climat est consacrée à l’égalité de genre comme objectif principal, malgré les engagements pris par les gouvernements et les organismes donateurs internationaux.
Notre expérience démontre que lorsque les femmes sont pleinement impliquées, les résultats sont remarquables. Par exemple, les groupes de foresterie communautaire exclusivement féminins obtiennent de meilleurs résultats en matière de régénération des forêts.
L’agroécologie représente bien plus qu’une simple approche agricole : c’est un puissant levier de transformation sociale. En combinant durabilité environnementale et équité sociale, elle offre une voie prometteuse pour construire des communautés plus résilientes face aux crises. Les exemples de réussite que nous observons sur le terrain nous montrent que c’est possible, à condition d’adopter une approche véritablement inclusive qui place les populations les plus vulnérables au cœur de la solution.
![Genevieve Gauthier-Directrice principale, programmes internationaux-equipe-Mission-inclusion-1 Genevieve Gauthier Directrice principale, programmes internationaux equipe Mission inclusion](https://missioninclusion.ca/wp-content/uploads/2025/01/Genevieve-Gauthier-Directrice-principale-programmes-internationaux-equipe-Mission-inclusion-1.webp)
Geneviève Gauthier
Directrice principale
Programmation Internationale
Mission inclusion